Garantie d’état aux prêts bancaires des entreprises : Clarifications et premiers retours d’expérience

 

(article à jour des publications par le Ministère de l’Economie des FAQ en date du 31 mars 2020 et 2 avril 2020, de l’arrêté modificatif du 17 avril 2020, de la FAQ en date du 22 avril 2020 et de la deuxième loi de finance rectificative en date du 25 avril 2020)

Le mécanisme de garantie de l’État à hauteur de 300 milliards d’euros pour les prêts bancaires des entreprises affectée par la pandémie du Coronavirus institué par la loi de finance rectificative du 23 mars 2020[1] (complété par deux arrêtés du 23 mars 2020 et du 17 avril 2020 et modifié par la deuxième loi de finances rectificative du 23 avril 2020[2]) rencontre déjà un important succès. Selon Bercy, ce sont déjà près de 40 milliards d’euros de prêts garantis par l’Etat qui auraient été pré-accordés au profit de 250.000 entreprises dont 90% de TPE et une dizaine de grandes entreprises, parmi lesquelles Fnac Darty et Air France-KLM.

Ce dispositif fonctionne comme suit.

[1] Loi n° 2020-289 du 23 mars 2020

[2] Loi n° 2020-473 du 25 avril 2020

Conditions relatives aux prêteurs

Sont visés les crédits consentis par les établissements de crédit ou sociétés de financement, sans restriction de nationalité. A contrario, en sont exclus les prêts consentis par les fonds de dette.

Conditions relatives aux emprunteurs
  • Emprunteur de doit français : L’emprunteur doit être une personne morale ou personne physique immatriculée en France (en ce compris les artisans, commerçants, exploitants agricoles, professions libérales et micro-entrepreneurs) ou une association / fondation ayant une activité économique relative à l’économie sociale et solidaire. La deuxième loi de finance rectificative vient exclure les établissements de crédit et les sociétés de financement. Les autres entreprises du secteur financier devraient donc en revanche pouvoir en bénéficier.
  • Absence de difficulté : la première loi de finance rectificative imposait à l’entreprise éligible de ne pas faire l’objet d’une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire au 24 mars 2020. Cette condition est remplacée dans la deuxième loi de finance rectificative par l’exigence que l’emprunteur n’ait pas été considéré comme en difficulté au sens la définition donnée au (18) de l’Article 2 du règlement UE n° 651/2014) au 31 décembre 2019. Rappelons que cet article fournit rappelons le 5 critères de l’entreprise en difficulté, et il suffit de vérifier l’un d’entre eux pour être en difficulté. L’exposé des motifs du projet de loi précise que la mise en œuvre précise du critère de l’entreprise en difficulté au 31/12/2019 est nécessaire et passera par une modification de l’arrêté du 23 mars 2020.

Une incertitude persiste néanmoins puisque la deuxième foire aux questions publiée par le Ministère de l’Economie et des Finances, le 22 avril 2020 précise qu’une banque qui octroie un PGE à une entreprise dont, par exemple, les fonds propres sont négatifs au 31/12/2019, ou inférieurs à la moitié de son capital social, ne s’expose en aucune manière à une éventuelle annulation ou déchéance de la garantie de l’Etat sur ce seul motif. Il est permis de penser que le gouvernement français n’a pas achevé la vérification du dispositif auprès de la Commission.

  • Engagements spécifiques pour les grandes entreprises : Une grande entreprise (plus de 5 000 salariés et ayant réalisé un CA consolidé supérieur à 1,5 milliards d’euros selon la définition du décret n°2008-1354 du 18 décembre 2018 relatif aux critères permettant de déterminer la catégorie d’appartenance d’une entreprise pour les besoins de l’analyse statistique et économique) qui demande un prêt garanti par l’État s’engage en outre à (i) ne pas verser de dividendes en 2020 à ses actionnaires en France ou à l’étranger (hors entités ayant l’obligation légale de distribuer une fraction au cours de l’année 2020) et (ii) ne pas procéder à des rachats d’actions au cours de l’année 2020. Cet engagement se formalise par une clause résolutoire dans le contrat de prêt au moment de l’instruction de la demande de prêt par les services du ministère de l’économie et des finances.
Conditions relatives aux crédits
  • Pour pouvoir être garantis, les prêts devront notamment (i) prévoir un différé d’amortissement minimum de 12 mois (qui n’empêche pas le déclenchement d’une clause d’exigibilité anticipée) ainsi que la possibilité d’augmenter la période d’amortissement à l’issue de la première année pour une durée supplémentaire de 1, 2, 3, 4 ou 5 années et (ii) pour prêts en faveur d’entreprises de moins de 5 000 salariés ou ayant réalisé un chiffre d’affaires HT inférieur à 1,5 milliards d’euros lors du dernier exercice, ne pas être assortis de sûretés (sûretés réelles ou garanties personnelles) en faveur du prêteur concerné.
  • De plus, il doit s’agir de nouveaux crédits et non de refinancements de crédits antérieurs. Les banques françaises se sont engagées à octroyer ces prêts à « prix coûtant ».
  • Ces prêts pourront être syndiqués, la garantie bénéficiera alors à chacun des prêteurs.
  • La date d’octroi des prêts (soit la date d’obtention de l’accord de crédit) devra intervenir avant le 31 décembre 2020 qui pourront ainsi être décaissés postérieurement à cette date.
  • Les contrats de prêt devront inclure une information relative au risque de remboursement au cas où le PGE serait assimilé à une aide d’état déclarée incompatible au regard du droit européen.
Modalités de la garantie

La garantie couvre 90% du montant du prêt sauf pour les entreprises qui, en France, emploient plus de 5000 salariés et réalisent un chiffre d’affaires HT supérieur à 1,5 Md€, où la garantie couvre 70% ou 80% du montant. Les garanties sont administrées par BPI France. Pour les entreprises éligibles de moins de 5 000 salariés et ayant réalisé un chiffre d’affaires HT inférieur à 1,5 milliards d’euros lors du dernier exercice, l’octroi de la Garantie est de droit et se fera par notification du prêteur à BPI France Financement. Les garanties concernant les entreprises de plus de 5 000 salariés / ayant réalisé un CA supérieur à 1,5 milliards d’euros seront approuvées par arrêté du Ministre de l’Economie (qui devrait être obtenu dans un délai d’une semaine après dépôt du dossier).

L’arrêté du 17 avril 2020 précise que la garantie est irrévocable, inconditionnelle et valable sur toute la durée du prêt. Des lors, il est clair qu’en cas de mise en jeu après la période de carence, le risque garanti porte sur les encours dès la mise à disposition des fonds.

L’arrêté vient également préciser que la garantie peut désormais être mise en jeu sur une base provisionnelle totale ou partielle dans les 90 jours suivant la date de demande d’obtention, représentant « une estimation solide du montant des pertes susceptibles d’être supportées par l’établissement prêteur ». Cet appel anticipé conforte les banques dans la prise en compte prudentielle de prêt garanti.

Rémunération du garant

La garantie de l’Etat sera rémunérée à un taux compris entre 50 et 200 points de base selon un barème détaillé dans l’arrêté du 23 mars 2020, en fonction de la taille de l’entreprise et de la maturité du prêt.

Points d'attention
  • Le dossier de demande de prêt doit être assorti d’un budget et d’un plan de trésorerie à fin 2020.
  • Il n’est pas précisé si le dispositif (qui peut porter être assorti de sûretés pour les seuls prêts aux très grandes entreprises) est cumulable avec d’autres mécanismes de réhaussement de crédit.
  • L’emprunteur doit veiller à ses déclarations et garanties sur la base desquelles le garant s’engage, et le prêteur doit veiller au contrôle du respect de ces obligations pour pouvoir mettre en œuvre la garantie.
  • L’arrêté du 23 mars prévoit un délai de carence de deux mois suivant le décaissement du prêt pendant lequel la survenance d’un événement de crédit ne pourra permettre la mise en jeu de la garantie par la banque. Si l’évènement se poursuit après ce délai, la mise en jeu restera impossible sauf survenance d’un nouvel évènement de crédit.
  • Si le PGE venait à être déclaré incompatible au regard du droit européen dans le cas où elle serait accordée à une entreprise en difficulté, l’entreprise serait exposée à un risque de remboursement de l’avantage perçu.

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