Procédures administratives, notamment en matière environnementale, pendant la période d’urgence sanitaire du covid-19

 

La loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 du 23 mars 2020, habilite le Gouvernement à prendre toute mesure relevant du domaine de la loi, afin de faire face aux conséquences, notamment de nature administrative, de la propagation du covid-19 et des mesures pour limiter cette propagation.

Conformément à l’article 11 de cette loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, vient d’être prise l’Ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période (Ordonnance « Délais échus »).

Les délais concernés par les dispositions de l’Ordonnance « Délais échus » sont ceux qui arrivent à échéance entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré, et le cas échéant prorogé.

L’article 2 détaille ce mécanisme de report de terme et d’échéance, permettant de ne pas considérer comme tardif l’acte réalisé dans le délai supplémentaire imparti, les délais étant donc prorogés à compter de la fin de cette période, pour la durée qui était légalement impartie, mais dans la limite de deux mois.

Précisons en revanche que n’entrent pas dans le champ de cette mesure :

– les délais dont le terme est échu avant le 12 mars 2020, leur terme n’étant pas reporté ;

– les délais dont le terme est fixé au-delà du mois suivant la date de la cessation de l’état d’urgence sanitaire, ces délais n’étant ni suspendus, ni prorogés.

S’agissant ensuite des mesures prorogées en particulier, l’article 3 énonce une liste de mesures judiciaires et administratives dont l’effet est prorogé de plein droit :

« Les mesures administratives ou juridictionnelles suivantes et dont le terme vient à échéance au cours de la période définie au I de l’article 1er sont prorogées de plein droit jusqu’à l’expiration d’un délai de deux mois suivant la fin de cette période :
1° Mesures conservatoires, d’enquête, d’instruction, de conciliation ou de médiation ;
2° Mesures d’interdiction ou de suspension qui n’ont pas été prononcées à titre de sanction ;
3° Autorisations, permis et agréments ;
(…)
Toutefois, le juge ou l’autorité compétente peut modifier ces mesures, ou y mettre fin, lorsqu’elles ont été prononcées avant le 12 mars 2020 ».

En outre, l’article 6 précise le champ d’application de cette mesure, avec une conception extensive de la notion d’autorité administrative, reprenant celle du code des relations entre le public et l’administration (administrations de l’Etat, des collectivités territoriales, des établissements publics administratifs, des organismes et personnes de droit public et de droit privé chargés d’une mission de service public administratif, y compris les organismes de sécurité sociale).

La suspension s’applique à l’ensemble des procédures relatives aux autorisations administratives, et notamment celles relevant du Code de l’environnement. Ainsi, s’agissant du droit de l‘environnement notamment, le 3° point de l’article 3 vise donc les autorisations et autres permis, , comme entre autres, les déclarations préalables, ainsi que les autorisations d’exploiter ou autres demandes de dispense ou d’avis, au titre de la réglementation ICPE, ou de la Loi sur l’eau, ainsi que plus globalement celles entrant dans le périmètre de l’autorisation environnementale, arrivant à échéance durant cette période ; ceux-ci seraient donc prorogés jusqu’au 24 août, s’agissant des autorisations déjà délivrées et qui devaient expirer pendant cette période d’urgence sanitaire.

En pratique, cette prorogation constitue un report de terme, à la date limite initialement prévue, qui serait prévu au 24 août.

De même, les délais d’instruction qui ont commencé à courir avant le 12 mars 2020 et qui n’avaient pas expiré avant cette date, sont suspendus jusqu’au 24 juin 2020.

L’article 8 de l’Ordonnance « Délais échus » précise en outre :

« Lorsqu’ils n’ont pas expiré avant le 12 mars 2020, les délais imposés par l’administration, conformément à la loi et au règlement, à toute personne pour réaliser des contrôles et des travaux ou pour se conformer à des prescriptions de toute nature sont, à cette date, suspendus jusqu’à la fin de la période mentionnée au I de l’article 1er, sauf lorsqu’ils résultent d’une décision de justice.
Le point de départ des délais de même nature qui auraient dû commencer à courir pendant la période mentionnée au I de l’article 1er est reporté jusqu’à l’achèvement de celle-ci ».

Cette disposition pouvant notamment viser des mises en demeure de mise en conformité en matière ICPE par exemple, les délais étant ainsi suspendus jusqu’à la fin de la période ou leur point de départ est repoussé jusqu’à la fin de la période, s’ils auraient dû commencer à courir durant celle-ci.

En outre, l’article 9 de l’Ordonnance « Délais échus » prévoit que : « Par dérogation aux dispositions des articles 7 et 8, un décret détermine les catégories d’actes, de procédures et d’obligations pour lesquels, pour des motifs de protection des intérêts fondamentaux de la Nation, de sécurité, de protection de la santé, de la salubrité publique, de préservation de l’environnement et de protection de l’enfance et de la jeunesse, le cours des délais reprend. […] ».

Or, un Décret n° 2020-383 du 1er avril 2020 portant dérogation au principe de suspension des délais pendant la période d’urgence sanitaire liée à l’épidémie de covid-19 (publié au Journal officiel du 2 avril) vint justement procéder, pour des motifs tenant à la sécurité, à la protection de la santé et de la salubrité publique et à la préservation de l’environnement, au « dégel » du cours des délais de réalisation des prescriptions qui, expirant au cours de la période fixée au I de l’article 1er de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 (état d’urgence sanitaire plus un mois), ou dont le point de départ devait commencer à courir pendant cette période, s’est trouvé suspendu par l’effet de l’article 8 de cette ordonnance.

Ainsi, en matière administrative, de nombreux délais dans ces procédures, notamment à caractère environnemental, devront de manière dérogatoire être maintenus et se voient ainsi « dégelés » aux motifs de la sécurité, la protection de la santé et de la salubrité publique et la préservation de l’environnement, impactant notamment certaines décisions, qui relèvent du code de l’environnement, notamment prises en matière d’ICPE, ainsi qu’en matière d’IOTA (ouvrages hydrauliques, digues, barrages), installations minières, etc. Dès lors, les contrôles prescrits par arrêtés ou autres mesures de sanctions administratives, devront se poursuivre malgré la crise sanitaire actuelle.

Enfin, s’agissant des enquêtes publiques, l’article 12 de l’Ordonnance « Délais échus » leur est spécifique, privilégiant pour celles-ci la dématérialisation :

« Le présent article s’applique à toute enquête publique déjà en cours à la date du 12 mars 2020 ou devant être organisée pendant la période définie au I de l’article 1er de la présente ordonnance.
Lorsque le retard résultant de l’interruption de l’enquête publique ou de l’impossibilité de l’accomplir en raison de l’état d’urgence sanitaire est susceptible d’entraîner des conséquences difficilement réparables dans la réalisation de projets présentant un intérêt national et un caractère urgent, l’autorité compétente pour organiser l’enquête publique peut en adapter les modalités :
1° En prévoyant que l’enquête publique en cours se poursuit en recourant uniquement à des moyens électroniques dématérialisés. La durée totale de l’enquête peut être adaptée pour tenir compte, le cas échéant, de l’interruption due à l’état d’urgence sanitaire. Les observations recueillies précédemment sont dûment prises en compte par le commissaire enquêteur ;
2° En organisant une enquête publique d’emblée conduite uniquement par des moyens électroniques dématérialisés.
Lorsque la durée de l’enquête excède la période définie au I de l’article 1er de la présente ordonnance, l’autorité compétente dispose de la faculté de revenir, une fois achevée cette période et pour la durée de l’enquête restant à courir, aux modalités d’organisation de droit commun énoncées par les dispositions qui régissent la catégorie d’enquêtes dont elle relève.
Dans tous les cas, le public est informé par tout moyen compatible avec l’état d’urgence sanitaire de la décision prise en application du présent article ».

Sont dès lors concernées les enquêtes publiques déjà en cours à la date du 12 mars 2020 ou devant être organisées jusqu’au 24 juin 2020 inclus.

D’ailleurs, le Ministère de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales a pu récemment préciser sur son site que :

« L’ordonnance comporte des mesures suspendant les délais applicables aux demandes présentées aux autorités administratives. Sont concernées les demandes donnant lieu à une décision d’une autorité administrative, et notamment des décisions implicites d’acceptation ou de rejet ainsi que les délais fixés pour les acteurs pris dans le cadre de la procédure d’instruction de ces demandes. A titre d’illustration, les demandes formulées en matière de droit des sols (déclaration de travaux, permis de construire, permis d’aménager, etc…) sont visées, ainsi que les délais applicables aux déclarations présentées aux autorités administratives, par exemple une déclaration d’intention d’aliéner (DIA).

Il en est de même pour les délais de consultation du public ou de toute instance ou autorité, préalables à la prise d’une décision par une autorité administrative. Par exemple, ces dispositions permettront de suspendre des consultations ou des enquêtes publiques en cours, ou de permettre la consultation d’instances qui n’auront pu se réunir. Enfin, les autorisations, permis et agréments délivrés par une autorité administrative seront par ailleurs prorogés. »

(Source : https://www.cohesion-territoires.gouv.fr/les-collectivites-territoriales-et-leurs-groupements-ordonnances-du-conseil-des-ministres-du-25)

 

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